Il affectait un air bon enfant aussi naturel que des guêtres sur une pompe à purain.
(p292)
Deux des poteaux diagonaux ne représentaient guère que des scènes familières de la vie de Jésus : Jésus se grattant les pieds sur le bord du chemin, Jésus se tapant un litre de rouge, Jésus à la pêche à la ligne, bref un résumé de l'imagerie sulpicienne classique. Les deux autres, par contre, possédaient des caractéristiques plus originales. Celui de gauche, le plus voisin de Jacquemort, affectait l'allure générale d'un gros trident, dressé pointes en l'air et tout décoré de sculptures infernales dont certaines semblaient propres (ou sales) à faire rougir un dominicain. Ou plusieurs dominicains. Ou même le colonel des Jésuites. Le dernier poteau, en forme de croix, portait de façon plus banale, l'effigie du curé, nu, de dos, et en train de chercher un bouton de col sous son lit.
(p324)
Mœurs des maliettes, pensa Jacquemort. Qui les étudiera ? Qui saura les décrire ? Il faudrait un gros livre, sur papier couché illustré d'eaux-fortes en couleurs, dues au burin fertile de nos meilleurs animaliers. Maliettes, maliettes, que n'approfondit-on pas vos mœurs ! Mais las, qui jamais en prit une, maliettes couleur de suie, au poitrail rouge, à l’œil de lune, aux cris légers de petites souris. Maliettes qui mourez pour la moindre cause, lorsqu'on vous regarde trop longtemps, lorsqu'on rit en vous regardant, lorsqu'on vous tourne le dos, lorsqu'on enlève son chapeau, lorsque la nuit se fait attendre, lorsque le soir tombe trop tôt. Maliettes subtiles et tendres dont le cœur occupe, à l'intérieur, toute la place où les autres bêtes logent des organes banals.
(pp.366-367)
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