Dans les forêts de Sibérie (2011) - Sylvain Tesson


Quinze sortes de ketchup. A cause de choses pareilles, j'ai eu envie de quitter ce monde.
(p.21)


Il faut que je trouve la force de repousser le chat. Se lever de son lit demande une énergie formidable. Surtout pour changer de vie. Cette envie de faire demi-tour lorsqu'on est au bord de saisir ce qu'on désire. Certains hommes font volte-face au moment crucial. J'ai peur d'appartenir à cette espèce.
(p.22)


La cabane, royaume de simplification. Sous le couvert des pins, la vie se réduit à des gestes vitaux. Le temps arraché aux corvées quotidiennes est occupé au repos, à la contemplation et aux menues jouissances. L'éventail de choses à accomplir est réduit. Lire, tirer de l'eau, couper le bois, écrire et verser le thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse.
(p.43)


A Paris, avant le départ, on me mettait en garde. L'ennui constituerait mon ennemi mortifère ! J'en crèverais ! J'écoutais poliment. Les gens qui parlaient ainsi avaient le sentiment de constituer à eux seuls une distraction formidable.
"Réduit à moi seul, je me nourris, il est vrai, de ma propre substance, mais elle ne s'épuise pas...", écrit Rousseau dans les Rêveries.
(p.101)


Mais garde ! Le non-agir chinois n'est pas l'acédie. Le non-agir aiguise la perception de toute chose. L'ermite absorbe l'univers, accorde une attention extrême à sa plus petite facette.
(p.117)


Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu'un à qui l'expliquer.
(p.146)


La cabane permet une posture, mais ne donne pas un statut.
(p.198)


Lire compulsivement affranchit du souci de cheminer dans la forêt de la méditation à la recherche des clairières. Volume après volume, on se contente de reconnaître la formulation de pensées dont on mûrissait l'intuition. La lecture se réduit à la découverte de l'expression d'idées qui flottaient en soi ou bien se cantonne à la confection d'un tricot de correspondances entre les œuvres de centaines d'auteurs.
(p.248)

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