Manifeste de la poésie vécue (1994) - Alain Jouffroy



Un manifeste surgit d'un manque de parole et d'écoute. Il révèle ce qu'Amiel appelait une conscience consciente d'elle-même, porte l'attention sur ce dont on ne parle pas, ou trop peu, s'oppose en toutes lettres à une invivable domination. Écrivant un manifeste, on projette une idée, qu'on juge nécessaire, sur ce mur où il est plus que jamais "défendu d'afficher" ce dont on se sait le plus intimement convaincu, ce mur qui sépare chacun de tous au lieu d'être abattu par tous.
(p. 21)


Le premier point d'ancrage qui a disparu, c'est la croyance au pouvoir de la poésie dans la vie.
(p. 23)


Ce qui résiste le plus, c'est notre extraordinaire tendance à l'aveuglement. Nos paupières sont distraction de nos pupilles et paupières. Et cela, dans un temps où, dans les mégapoles, la lumières est envahie par ce gris plombé qui pétrifie l'espace et le temps tous les dimanches après-midi, un temps où les fenêtres allumées en pleine nuit se font partout de plus en plus rares.
(p. 30)


Peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit.
(p. 33)


L'utopie qui m'anime consiste à restituer une part plus grande de la réalité du monde, des univers visibles et invisibles qui le composent, à l'intérieur même de chaque geste, de chaque action-création poétique.
(p. 47)


Je considère que les pages des livres sont les lieux de rencontres réelles avec des individus qui, sans leur lecture, vivraient leur propre pensée comme une insupportable séparation.
(p. 48)


Un poète n'a pas une obligation d'écriture. Il n'a qu'une obligation de regard.


Le regard est cette interrogation inlassable, qui met en contact l'appréhension que nous avons du monde avec le monde lui-même.

Une révolution permanente du regard est la condition de la réalisation dans la vie.
(p. 55)

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